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Chapitre 3: Déménagement
LANGUE PAR DÉFAUT: russe
10 décembre 2022
Sofia avait fini par s'habituer au sommeil cryogénique. Tous les jours, ils partaient très tôt de la maison et rentraient tard. Il aurait été impossible de revoir Anastasia à ce moment-là pour lui dire au revoir.
Aujourd'hui c'était vendredi. Les Moranov n'allaient pas travailler au laboratoire. Il fallait préparer le déménagement. Ils avaient énormément de mobilier à déplacer jusqu'au vaisseau. Pete dirigeait le déménagement, et Olga faisait cours à sa fille pendant ce temps. Il fallait qu'elle rattrape le "temps perdu". Sofia était ravie d'avoir cours avec sa maman. Elle se sentait plus épanouie. Elle était assise dans la cuisine avec sa trousse, son cahier, et Socrate était assis sur le sol de la cuisine, regardant la mère enseigner à sa fille. C'était comme si lui aussi suivait le cours. Contrairement aux autres chats, il ne dormait pas toute la journée quand sa maîtresse était à la maison. Il ne le faisait que lorsqu'il était tout seul, et dès qu'il sentait que sa maîtresse rentrait, il se réveillait et allait l'accueillir, comme s'il était un petit chien.
Les meubles les plus encombrants avaient été déplacés, et parmi eux se trouvait bien évidemment le piano. Sofia n'allait pas pouvoir en jouer avant un moment et ça l'avait rendue un peu triste. Mais sa mère l'avait réconfortée.
Olga: Nous partons dans la nuit de samedi à dimanche. Tu seras endormie avec nous tous, et dès que nous arriverons, tu pourras en jouer, car tout sera aménagé.
Sofia: *oui de la tête*
La petite était concentrée comme si elle était à l'école. "Ce n'est pas parce que c'est maman qui fait le cours que tu dois te relâcher, d'accord ma chérie?" avait dit Pete à sa fille. Elle était de cet avis, et avait même répondu "Ce sera encore mieux que l'école!".
Olga avait planifié la journée de Sofia comme si cette dernière était allée à l'école: mêmes horaires d'études, mêmes horaires de pause, même heure de fin de la journée.
Olga: Aide-moi à ranger les livres dans les cartons pendant que ton père fait déménager les bibliothèques.
Sofia: Oui maman.
La petite fille obéit et rangea les livres un à un dans les cartons prévus. Olga porta les plus gros cartons avec l'aide de Pete, et Sofia chargea les plus légers. Socrate, lui, ne faisait qu'observer l'activité de ses maîtres. Il fut même étonné de voir que la chambre de Sofia était presque vidée intégralement. Il ne restait plus que le lit, les draps, la couette et l'oreiller. Il se promenait dans la maison qui se vidait petit à petit. Il restait cependant son panier, dans lequel il n'allait dormir que lorsque ses maîtres n'étaient pas là, et la boîte qui contenait ses jouets.
Lorsque Sofia eut fini d'aider, elle alla justement en prendre un. Elle choisit la petite souris avec une ficelle et la fit se promener sur le sol de la maison.
Sofia: Regarde Socrate! Regarde! C'est la petite souris!
Socrate sauta sur la souris pour essayer de l'attraper avec ses pattes. La petite fille continuait à faire traîner le joujou sur le sol. Elle aimait beaucoup tester les réflexes de son chat, et elle prenait un grand plaisir à jouer avec lui.
Elle leva la souris au-dessus de la tête de son chat et celui-ci leva les pattes pour tenter d'attraper la souris. Sofia riait en le regardant faire.
Pete: Sofia, à table!
Sofia: J'arrive!
Elle rangea la souris dans la boîte à jouets et se rendit à la cuisine. Elle mis des croquettes dans la gamelle de Socrate, se lava les mains et s'installa à table. Le repas se déroula plutôt tranquillement. Mais Sofia picorait. Olga lui toucha le poignet pour qu'elle la regarde.
Olga: Qu'est-ce qui ne va pas?
Sofia: ... Rien...
Pete: Pas de ça avec nous, Sofia, encore moins avec ta maman! Allez, dis-nous.
Sofia: ... *lâche ses couverts* Je ne me sens toujours pas prête à effectuer ce voyage... Ça me fait bizarre de me dire qu'on ne sera plus ici... Ne plus être gardée par Anastasia, ne plus aller à l'école...
Pete: Tu sais, nous aussi ça nous fait bizarre de devoir changer les habitudes. Mais nous devons t'emmener. Tu ne voudrais pas rester toute seule ici avec Socrate et Anastasia? Tu as besoin de ta maman. C'est pour ça que tu dois venir avec nous.
Olga: Tu comprends Sofia, n'est-ce pas?
Sofia: Je comprends, oui... Je sais que c'est important pour vous... C'est juste très dur à imaginer pour moi... (Cela dit, ça pourrait être pire... Je pourrai avoir de bons amis à l'école... Mais je ne m'entends avec personne. Mon seul véritable ami c'est Socrate. C'est suffisant, finalement... Tant qu'il vient avec nous... Et il vient avec nous...)
Sofia termina son repas et quitta la table. Elle monta prendre son bain, puis elle se brossa les dents et alla se coucher. Socrate, comme toujours, vint la rejoindre et se blottit contre elle.
Sofia: *bas* Je sens que tu te demandes ce qui se passe ici, pas vrai?
Socrate: ...
Sofia: *bas* Tu trouves que la maison est bizarre sans tous les meubles à leur place... Moi aussi... On part dans l'espace... On a l'impression d'être dans un film...
La petite fille ferma les yeux.
Sofia: *bas* J'espère que ce monsieur que tu n'aimes pas ne sera pas là...
Socrate fit un petit grognement.
Sofia: *bas* S'il est là... Je te protégerai. Il n'a pas le droit de te faire de bobo... Personne ne doit faire de bobo aux animaux et aux plantes...
Socrate: ...
Sofia: *bas* Et aux extraterrestres aussi. Tu as raison. Ce sont aussi des êtres vivants après tout. Dis, tu aimerais les rencontrer?
Socrate: ...
Sofia: *bas* Moi je ne sais pas... Maman dit qu'ils ne sont pas forcément méchants. Mais ils ne sont pas forcément gentils non plus... Quand il n'y a que le Bien et le Mal, papa dit que c'est "manichéen". Mais c'est trop facile de dire qu'il y a les gentils d'un côté et les méchants de l'autre... Ces extraterrestres sont un peu entre les deux, non?
Socrate: ...
Sofia: Oui, c'est vrai, il faut que je dorme. Ce n'est pas trop le moment de réfléchir... Sinon je ne vais pas fermer l'œil. Bonne nuit Socrate!
La petite fille posa un bisou sur la tête de son chat et le rapprocha d'elle comme si c'était un doudou. Il lui fit une léchouille sur la main et ferma les yeux à son tour.
Le lendemain, Sofia allait devoir étudier seule pendant un petit moment. Sa mère était allée acheter des réserves de médicaments et de soins, pour eux et pour le chat. Pete, lui, continuait de s'occuper du déménagement. C'était pratiquement terminé. Ils allaient quitter la planète ce soir. Adieu St-Petersburg, adieu Russie, adieu la Terre, adieu l'école, adieu les petites habitudes de tous les jours, adieu Anastasia. Une nouvelle vie allait commencer.
Sofia travaillait de manière autonome, mais elle avait demandé à Socrate de la surveiller. Pete et Olga trouvaient ça mignon qu'elle dise à son chat de veiller à ce qu'elle fasse ses études sans se laisser distraire. Et ça marchait. Sofia restait concentrée sur son cahier. Socrate était assis sur la table juste devant elle. Il faisait sa toilette. C'était comme s'il testait sa concentration. Sofia restait pourtant plongée dans ses études, elle ne prêtait pas attention à ce qui l'entourait.
Olga revint avec tout ce qu'il fallait. Elle avait aussi fait les courses et acheté énormément de vivres. Elle raconta que les gens étaient tous étonnés de la voir avec autant de sacs et de provisions. Elle avait emprunté la voiture pour tout rapporter à la maison. Tout fut stocké avec ce qui était destiné au vaisseau.
La maison des Moranov était totalement vide à présent. Même les lits avaient été déplacés. Plus aucun meuble n'était là. Pete s'était débrouillé pour vendre la maison à de nouveaux locataires.
L'heure du départ allait sonner. Ce fut Olga qui conduisit la voiture jusqu'au laboratoire. Sofia était assise derrière, avec son chat et son sac. Quand ils arrivèrent sur place, il faisait déjà nuit noire. Seules quelques lumières éclairaient l'immense espace du complexe scientifique.
Un gigantesque vaisseau était juste à côté de ce bâtiment. Il ressemblait au complexe scientifique, mais au lieu d'être blanc, il était gris. C'était un mélange entre appartements, laboratoire et vaisseau spatial. Chaque "famille" avait son espace personnel. Il y avait des espaces communs comme un salon et une cantine, et beaucoup de salles de travail. Il y avait aussi, au cœur du vaisseau, un jardin d'intérieur, recouvert par une vitre, qui allait être protégée pour la durée du voyage. Comme il était tard et que la petite avait sommeil, Olga la porta dans ses bras en sortant de la voiture.
Lorsque la famille s'aventura dans le vaisseau, la lumière réveilla Sofia. En voyant où ils étaient, elle se rendit compte que ce n'était pas le laboratoire mais bel et bien le vaisseau. Elle était totalement déstabilisée: c'était encore plus complexe que le labo de ses parents. Il y avait des plans partout, mais elle avait du mal à se repérer et n'avait pas le temps d'y prêter attention. Évidemment, ses parents savaient où aller, car après tout, c'était eux qui avaient imaginé cette construction. Ils y avaient travaillé ardemment et consacré toute leur vie dessus. C'était un rêve qui devenait réalité. Ils étaient émerveillés.
Sofia: Papa, je suis fatiguée...
Pete: Ah, je vois que tu t'es réveillée.
Sofia: Où est Socrate?
Pete: Il est là, je l'ai mis dans son box quand nous sommes arrivés, vous dormiez déjà tous les deux.
Sofia: Mais papa...
Pete: Je sais, il n'aime pas y être, mais on n'allait pas le réveiller et le faire marcher, si?
Sofia: ...
Pete: Il va y avoir un appel. Dès que nous aurons été appelés, on pourra aller dormir.
Sofia: On va être cryogénisés, pas vrai papa? C'est ça que tu veux dire?
Pete: Oui.
Sofia: ... Maman, pose-moi par terre, je peux marcher.
Olga: Tu es sûre?
Sofia: Oui. De toutes façons je suis réveillée.
Olga s'arrêta un instant et posa sa fille par terre.
Sofia: Papa, je veux porter le box de Socrate.
Pete: D'accord.
Il lui donna le box. Elle le prit dans sa main droite. De sa main gauche, elle prit la main de sa mère. Ils marchèrent ensemble jusqu'à une très grande salle avec une scène et un micro au fond. Une foule gigantesque d'adulte se dressait devant eux. Sofia reconnu Kôji parmi les gens, ainsi qu'Angelo. Elle entendit alors Socrate grogner.
Sofia: Papa, maman, Socrate aussi s'est réveillé.
Pete: Normal, avec ce bruit.
Sofia voyait que son chat fixait Angelo et continuait à grogner.
Sofia: Du calme Socrate. Ne fais pas attention au monsieur. D'accord? Il est loin de nous. Moi aussi je ne suis pas heureuse de voir qu'il est là. Mais je t'ai dit que je te protégerai s'il voulait te faire bobo.
Le chat se calma sur les paroles de sa maîtresse.
Pete: Olga, Sofia, venez.
Le père et sa famille se rendirent sur la scène. Il fit apporter des chaises pour sa femme et sa fille.
Pete: Sofia, sois patiente, d'accord? Dès que vous serez appelées, toi et ta mère, vous pourrez vous rendre aux tubes cryogéniques. Je vous rejoindrai dès que j'aurais fini, d'accord?
Sofia: D'accord papa.
Il fit une bise sur le front de sa fille et alla se placer devant le micro. Sofia ouvrit le box de Socrate et posa son chat sur ses genoux.
Pete: *en anglais* Bonsoir à toutes et à tous. Je suis ravi de vous voir aussi nombreux à avoir accepter d'effectuer ce voyage. Si vous êtes ici, c'est que vous acceptez toutes les conditions qui ont été établies. Je sais que c'est très dur pour vous tous de devoir quitter vos proches, votre chez-vous. Moi-même, je ressens la même chose. Mais nous sommes tous réunis ici dans un seul but: étudier les extraterrestres, et plus précisément, ceux que nous avons baptisé les "Chasseurs"! Je vais à présent procéder à l'appel. Levez la main lorsque vous entendez votre nom et répondez très fort "Présent(e)". Lorsque vous aurez été appelés, vous pourrez gagner les salles de cryogénisations. Vous disposez d'un papier indiquant comment vous y rendre ainsi que le numéro de la salle de cryogénisation à laquelle vous êtes destinés. Vous trouverez facilement vos tubes car vos noms y sont marqué. Je commence l'appel.
Pete commença par appeler les médecins et les militaires. Ensuite, ce fut le tour des scientifiques américains. Puis au tour de celui des russes. Pete s'appela lui-même, et lorsqu'il appela sa femme, sa fille, et même leur chat, Olga emmena l'enfant à leur salle de cryogénisation.
Elles empruntèrent l'ascenseur et descendirent au troisième et dernier sous-sol du laboratoire-vaisseau. Olga conduisit sa fille jusqu'à la salle destinée à leur famille. Elle installa Sofia dedans ainsi que le chat. Elle rangea le box dans un placard intégré au mur et le ferma soigneusement.
Olga: Comme ton père et moi sommes les patrons, nous avons notre salle à nous. Mais il y a beaucoup plus de salles et elles sont plus grandes. Tout le monde est groupé.
Sofia: On est cryogénisés en famille alors...
Olga: Oui. Nous avions pensé que ce serait de meilleures conditions pour toi.
Sofia: Vous aviez eu raison.
Olga sourit et embrassa sa fille, et Socrate.
Sofia: Socrate, ça y est. Nous sommes partis.
Elle embrassa aussi son chat et le serra contre elle.
Olga: N'oublie pas.
Sofia: Oui. Socrate, toi non plus, n'oublie pas, hein? Bien fermer la bouche pour ne pas finir glacés.
Olga: À demain, Sofia. À demain, Socrate. Vous verrez, le temps va s'écouler plus vite que vous ne le pensez.
Elles s'embrassèrent une dernière fois et Olga ferma la porte vitrée du tube de Sofia.
La mère attendit que son mari arrive. Elle ne voulait pas s'enfermer avant de l'embrasser une dernière fois lui aussi, avant d'entamer leur sommeil cryogénique. Elle regardait sa fille dormir, gelée, avec son chat, en attendant l'arrivée de Pete. Elle était un peu inquiète de tout ce qui allait arriver. Mais, quelque part, elle était heureuse de voir le rêve de jeunesse d'elle et son mari se réaliser enfin. Et elle l'était encore plus à l'idée de le partager avec sa chère fille. C'était une chance que Sofia se soit montrée compréhensive, malgré son jeune âge. Et elle s'intéressait à tout, ça ne pouvait qu'être bénéfique pour elle, au final, même si c'était dur de devoir tout quitter comme ça.
À suivre...